Algues vertes. La Bretagne est « saturée » par les élevages d’animaux, dénonce un syndicaliste

Ouest-France

Algues vertes. La Bretagne est « saturée » par les élevages d’animaux, dénonce un syndicaliste

Jérôme MORINIÈRE.

Modifié le 13/03/2025 à 19h20 Publié le 13/03/2025 à 19h03

Serge Le Quéau est militant au sein de l’union syndicale Solidaires.Il est aussi co-rapporteur de l’avis sur l’eau d’avril 2023, du Conseil économique social et environnemental (CESE). Alors que deux jugements en faveur de la lutte contre les algues vertes viennent d’être rendus, il dénonce, chiffres à l’appui, la saturation dont souffrent la Bretagne et particulièrement les Côtes-d’Armor en termes d’élevage d’animaux. Une surabondance qui explique notamment la prolifération des algues vertes.

 

En moyenne, les Côtes-d’Armor comptent 1,1 bovin, 22 porcs et 248 volailles par hectare, selon un rapport de la Cour des comptes sur les algues vertes en 2021. | ARCHIVES

La Bretagne abrite actuellement des élevages comportant au total 120 millions d’animaux. Dans les Côtes-d’Armor, cela représente 1,1 bovin, 22 porcs et 248 volailles par hectare, selon un rapport sur les algues vertes produit par la Cour des comptes en 2021. Serge Le Quéau, militant au sein de l’union syndicale Solidaires, rappelle ces données pour expliquer que la région bretonne fait toujours la part belle à l’agriculture productiviste.

Un rapport passé « inaperçu »

Ce spécialiste est aussi co-rapporteur de l’avis sur l’eau d’avril 2023, du Conseil économique social et environnemental (Cese). « À l’époque, notre rapport était passé un peu inaperçu, se remémore-t-il. Mais aujourd’hui, avec les différentes pollutions liées à l’eau portées à la connaissance du grand public, nos conclusions suscitent un nouvel intérêt. »

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Des dizaines d’experts ont planché pendant près de dix-huit mois pour rendre cet avis au sein du Cese. Dans ce document, l’une des préconisations, en réponse à la prolifération des algues vertes, demande au gouvernement de

« renforcer dans les zones vulnérables en termes de qualité de l’eau, les obligations concernant les apports d’azote, les déclarations des plans d’épandages et le contrôle des ouvrages de stockage ».

L’avis enjoint aussi l’État à « mettre en œuvre une politique incitative de diminution des cheptels dans les zones les plus saturées en azote et les plus génératrices de marées vertes, au profit d’un modèle de polyculture élevage dans une optique de rééquilibrage dans les zones non saturées ». Cet avis rencontre la forte opposition de la FNSEA, le syndical agricole majoritaire et qui le reste aussi dans les instances de la Chambre d’agriculture des Côtes-d’Armor.

« Comment ferons-nous si toute notre eau est polluée ? »

« La terre en Bretagne ne peut pas absorber tout cet élevage », alerte le syndicaliste. « Il faut aider les agriculteurs à changer de modèle de production. Ce sont eux les premières victimes », insiste-t-il. Il bat en brèche aussi les arguments des tenants d’un certain statu quo en matière de production agricole. Au nom de la souveraineté alimentaire en France et en Europe, il serait difficile de sortir de l’agriculture dite conventionnelle. « Il faut donner du temps au temps, c’est le même argument depuis quarante ans. Comment ferons-nous si toute notre eau est polluée ? », s’indigne Serge Le Quéau. Une étude menée au niveau européen, coordonnée par l’Inrae (1) et publiée en mars 2023, « prouve au contraire qu’il est possible de nourrir l’Europe grâce à l’agriculture biologique ».

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Mais pour ce faire, Serge Le Quéau insiste sur la nécessaire émergence d’une volonté politique forte. Selon ce spécialiste, changer de modèle agricole « n’est pas un problème d’argent ». Les quelque 416 000 agriculteurs français touchent 15 milliards d’aides publiques et européennes. « Mais l’exploitant qui produit du maïs se voit octroyer plus de subventions que celui qui s’occupe d’élevage herbagé », déplore-t-il.

Un système qui profite aux acteurs économiques

Il faudrait donc réorienter les aides de la Politique agricole commune (Pac) vers des pratiques agricoles plus vertueuses. Mais si le système met autant de temps à évoluer, c’est qu’il « profite » toujours à un grand nombre d’acteurs économiques : « Ceux dans l’industrie phytosanitaire et le machinisme agricole notamment », pointe le syndicaliste.

« Il y a des engagements politiques, certes, mais pas ou peu de contrôles. Les lobbies économiques sont plus puissants », constate-t-il, amer.

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Dans ce contexte et « malgré les pressions », la justice reste un « rempart » contre les atteintes à l’environnement. Deux jugements le confirment. Ce jeudi 13 mars 2025, le tribunal administratif de Rennes a condamné l’État à prendre, dans un délai de dix mois, « toutes les mesures nécessaires pour réduire significativement la pollution des eaux par les nitrates d’origine agricole ». Ce même jour, cette même juridiction annule l’arrêté préfectoral permettant l’extension d’un poulailler géant à Plestin-les-Grèves, dont la baie est particulièrement touchée par les marées vertes.

(1) Institut national de recherche sur l’agriculture, l’alimentation et l’environnement.

https://www.ouest-france.fr/environnement/algues-vertes/algues-vertes-la-bretagne-est-saturee-par-les-elevages- danimaux-denonce-un-syndicaliste-552b0e8c-000c-11f0-9b78-58334960577c

Marées vertes – Ou l’impuissance des pouvoirs publics face au lobby agricole productiviste

Communiqué de presse du 8 mars 2025

Marées vertes
Ou l’impuissance des pouvoirs publics face au lobby agricole productiviste

Après la découverte une nouvelle fois d’un sanglier mort intoxiqué à l’hydrogène sulfuré, sur la plage de Morieux début septembre, il est une question que l’on est en droit de se poser : Combien faudra-t-il de morts humaines ou animales supplémentaires sur nos plages pour que les pouvoir publics prennent les décisions qui s’imposent pour lutter efficacement contre ce fléau aux graves conséquences sanitaires, environnementales et économiques ?

Si les causes de ces marées vertes sont parfaitement connues depuis plus de cinquante ans après la publication en 1972 de l’étude scientifique de l’ingénieur agronome de l’INRA à Quimper Marcel Coppenet qui démontrait clairement le lien entre les épandages massifs d’efluents d’élevage et l’apparition des marées vertes, ce qui est le plus désolant aujourd’hui, c’est de constater le manque de volonté politique de s’attaquer réellement au problème.

Alors même que La France se trouve toujours dans l’incapacité de tenir ses engagements et de respecter la directive européenne 91/676/CEE sur les nitrates, risquant à tous moments de se faire lourdement sanctionner, il faut bien constater que jusqu’à présent, aucun Gouvernement n’a le courage de faire entendre raison au lobby agricole industriel et productiviste qui impose sa loi sur nos territoires.

Déjà en 2021, la Cour des comptes constatait dans un rapport, l’échec des plans d’actions de lutte contre les marées vertes et dressait un constat accablant, pointant « une politique de lutte aux objectifs mal définis et aux effets incertains sur la qualité des eaux, une mobilisation des territoires sans soutien suffisant et un manque de cohérence avec certains volets fondamentaux des politiques agricole, agroalimentaire et environnementale. »

Plus récemment, en avril 2023 le Conseil Économique, Social et Environnemental, troisième assemblée de la République publiait également un avis remarqué sur l’eau » Quelle gestion durable de l’eau (quantité, qualité, partage) face aux changements climatique » Ce rapport voté par une large majorité des membres du Cese (77%) mais pas par les représentants de la Fnsea, faisait des préconisations très précises au Gouvernement pour lutter contre les marées vertes. « Lui demandant de renforcer dans les zones vulnérables en termes de qualité des eaux, les obligations concernant les apports d’azote, les déclarations des plans d’épandages et le contrôle des ouvrages de stockage. De mettre en œuvre une politique incitative de diminution des cheptels, dans les zones les plus saturées en azote et les plus génératrices de marées vertes, au profit d’un modèle de polyculture élevage dans une optique de rééquilibrage dans les zones non saturées. D’accompagner les exploitants avec des aides conditionnées aux changements de pratiques et aux résultats atteints y compris pour ceux étant déjà respectueux de l’environnement »

La logique institutionnelle aurait voulu que Marc Fesnaux le Ministre de l’agriculture, et Christophe Béchu le Ministre de la transition écologique et de la cohésion des territoires prennent au sérieux ces préconisations du Cese pour lutter contre les marées vertes, mais il n’en a rien été. Pour eux l’essentiel n’était pas de répondre aux préconisations de la société civile organisée mais d’éviter de se fâcher avec l’organisation, qui dans le domaine de la politique agricole détient le pouvoir réel, c’est-à-dire la Fnsea.

Plaintel le 8 mars 2025

Serge Le Quéau

Corapporteur de l’avis sur l’eau d’avril 2023

du Conseil Économique Social et Environnemental