Études scientifiques remises en cause …

« La fabrique du doute »

https://blog.m2rfilms.com/la-fabrique-du-doute/

La journaliste d’investigation Marie-Monique Robin décrit sur son blog, et dans son livre « Notre poison quotidien  » les procédés utilisés par l’industrie agrochimique pour discréditer les études et campagnes menaçant les intérêts industriels privés.

Invitée dans l’émission « C politique » le 19 mai 2019, elle revient sur les méthodes de lobbying et campagnes de presses utilisées par les fabricants de produits toxiques.
C politique du 19 mai 2019 avec Marie Monique Robin
Entre 0’19 » et 27’21 »

Pas de grand débat sur le chlordécone

8 févr. 2019, publié sur Médiapart par Axel Savoye
Blog : Le blog de Axel Savoye

Lors d’un grand débat national organisé au palais de l’Élysée le 1er Février 2019, Emmanuel Macron a tenté de justifier sa position sur la dangerosité du chlordécone, mais a fini par contrarier les élus d’Outre-Mer réunis autour de lui.

Pendant 7 heures, le Président de la République, Emmanuel Macron, a échangé avec les élus ultramarins dans le cadre du grand débat national. Jugé méprisant et maladroit avec ses interlocuteurs, le chef de l’exécutif en a irrité plus d’un après avoir déclaré que le chlordécone, un pesticide massivement utilisé de 1972 à 1993 dans les Antilles françaises, n’était pas cancérigène.

Avant d’aborder ce sujet, un historique s’impose. Le chlordécone est un insecticide classé par le système général harmonisé de classification et d’étiquetage des produits chimiques comme étant un produit toxique, dangereux pour l’environnement, et potentiellement cancérogène. Ce produit a été mis sur le marché en 1958 et arrive en France en 1972 avec l’aval de Jacques Chirac, alors ministre de l’Agriculture et de l’Aménagement rural. Ce pesticide fut ensuite répandu dans les bananeraies afin de lutter contre la prolifération des charançons du bananier, à la Martinique et à la Guadeloupe notamment. Suite à un scandale sanitaire et environnemental, le chlordécone est interdit à la vente aux États-Unis en 1976, la France, elle, continue de l’utiliser de manière massive. En 1990, l’autorisation de mise sur le marché du chlordécone est retirée pour tout le territoire français, mais le pesticide continuera à être épandu jusqu’en septembre 1993 suite aux pressions des lobbys des planteurs. C’est seulement au début des années 2000 que les pouvoirs publics s’inquiètent d’une contamination au chlordécone des eaux, des sols et des denrées provenant des Antilles, plusieurs enquêtes judiciaires et commissions parlementaires sont menées mais aucune n’aboutit à une condamnation. Il a été découvert que les ouvriers qui ont manipulé régulièrement ce pesticide ont présenté des maux inquiétants : problèmes neurologiques, cancers du foie et de la prostate, stérilité masculine. Au passage, le taux de cancer de la prostate aux Antilles est le plus élevé du monde.

Victorin Lurel, sénateur PS de la Guadeloupe, s’étonne des propos du président et rappelle qu’en 2010, une étude établissant un lien entre l’exposition au chlordécone et le cancer de la prostate fut menée par le professeur Pascal Blanchet, professeur au CHU de Pointe-à-Pitre, et par Luc Multinger, professeur à l’Institut national de la santé et de la recherche médicale, un établissement dont la réputation n’est plus à faire. Mais cela ne suffit pas pour Emmanuel Macron qui va jusqu’à remettre en cause l’existence de cette étude pourtant importante. Cette étude est la première à prouver un lien de causalité entre chlordécone et cancer de la prostate, mais cette causalité n’est pas absolue, cependant, aucune étude n’a jusqu’à présent contredit celle du professeur Blanchet.

« Vous faites référence à ce que le professeur du CHU a pu dire, ce n’est pas ce que j’appelle une étude scientifique dans une revue avec comité de lecture. C’est-à-dire que c’est une déclaration publique qui peut inquiéter, je n’en connais pas le statut. » – Emmanuel Macron

Peut-on accuser une méconnaissance d’Emmanuel Macron sur ce dossier ? Oui, étant donné qu’il déclare tenir de l’OMS et de l’Inserm qu’il n’existe aucun lien direct entre le chlordécone et le cancer de la prostate, hors, il a l’air d’ignorer que l’OMS a reconnu elle-même en 1979 que le chlordécone est un cancérogène probable pour l’Homme. Il affirme également que cette polémique a enflé seulement en 2017, alors qu’elle a déjà secoué la sphère politique et médiatique une décennie plus tôt après la mobilisation de plusieurs associations pour alerter sur la catastrophe sanitaire qui touche aujourd’hui encore les antillais.

« C’est la première fois que l’on prend de face le sujet du chlordécone. (…) Moi je veux bien que ayant considéré pendant des décennies sans doute (…) que ce n’était pas un sujet et que ça en devient un depuis mai 2017, il faudrait d’un seul coup faire davantage que davantage, mais faisons déjà ce qui est établi scientifiquement. » – Emmanuel Macron

Mais les propos du Président de la République ne sont pas seulement le fruit d’une ignorance sur le sujet du chlordécone, l’enjeu de l’indemnisation des victimes de ce pesticide est aussi à prendre en compte. Bien qu’Emmanuel Macron a dénoncé le scandale environnemental du chlordécone en septembre 2018, l’État français n’a toujours pas reconnu la contamination au chlordécone comme une maladie professionnelle étant donné l’absence de preuve directe.

Bien que l’État français se soit engagé à indemniser les victimes de ce fléau une fois le lien direct établi entre la cause et la maladie, ce sujet dérange au plus haut sommet de l’État. Interrogé en juin 2018 par Konbini sur la question de l’indemnisation des victimes du chlordécone, le ministre de la Transition écologique et solidaire, Nicolas Hulot, tenta d’éviter la question, puis finit par interrompre sa conférence de presse, visiblement agacé par le sujet abordé.

Axel Savoye autorise la publication de son blog et c’est ici : blog d’Axel Savoye