31 janvier 2020 : la défense de l’Environnement prime sur la liberté d ‘entreprendre

Le Conseil constitutionnel fait primer la défense de l’environnement sur la liberté d’entreprendre

https://www.conseil-constitutionnel.fr/actualites/communique/decision-n-2019-823-qpc-du-31-janvier-2020-communique-de-presse

Article publié sur Médiapart, le 31 janvier 2020 Par

« Les lobbies des producteurs de produits phytosanitaires contestaient la loi de 2018 prévoyant l’interdiction de production et d’exportation de produits interdits en Europe à compter de 2022. Dans sa décision, le Conseil constitutionnel estime que la sauvegarde de l’environnement et de la santé justifie cette loi.

 

D’un côté, l’article 4 de la Déclaration des droits de l’homme et du citoyen de 1789, de l’autre, le préambule de la Charte de l’environnement, ainsi que le onzième alinéa du préambule de la Constitution de 1946.

Dans une décision rendue publique vendredi 31 janvier, le Conseil constitutionnel estime, dans des « termes inédits », que le préambule de la Charte de l’environnement et le onzième alinéa du préambule de la Constitution de 1946 priment sur l’article 4 de la DDH.

Cet article 4 consacre la liberté d’entreprendre. Le Conseil était en effet saisi par l’Union des industries de la protection des plantes – le lobby des produits phytopharmaceutiques –, rejointe par l’Union française des semenciers, qui contestait la loi du 30 octobre 2018 pour l’équilibre des relations commerciales dans le secteur agricole et alimentaire et une alimentation saine, durable et accessible à tous, dite loi Égalim.

Plus précisément, les lobbies attaquaient les dispositions qui interdisent la production, le stockage et la circulation en France des produits contenant des substances actives non approuvées par l’Union européenne, qui aboutissaient à interdire, à compter de 2022, la vente de tels produits en France mais aussi leur exportation.

Les lobbies estimaient qu’il s’agissait là d’une atteinte à la liberté d’entreprendre, donc à l’article 4 de la DDH.

Dans sa décision, le Conseil constitutionnel a mis en balance cet article avec, dans un premier temps, le préambule de la Charte de l’environnement. Le Conseil rappelle que ce préambule postule que « l’avenir et l’existence même de l’humanité sont indissociables de son milieu naturel… l’environnement est le patrimoine commun des êtres humains… la préservation de l’environnement doit être recherchée au même titre que les autres intérêts fondamentaux de la Nation… afin d’assurer un développement durable, les choix destinés à répondre aux besoins du présent ne doivent pas compromettre la capacité des générations futures et des autres peuples à satisfaire leurs propres besoins ».

Dans un second temps, les Sages rappellent également l’objectif de valeur constitutionnelle de protection de la santé résultant du onzième alinéa du préambule de la Constitution de 1946 dont il découle un objectif de valeur constitutionnelle de protection de la santé.

Dans son communiqué, le Conseil ajoute : « De l’ensemble de ces dispositions constitutionnelles, le Conseil constitutionnel déduit, pour la première fois, qu’il appartient au législateur d’assurer la conciliation des objectifs de valeur constitutionnelle de protection de l’environnement et de protection de la santé avec l’exercice de la liberté d’entreprendre. À ce titre, le législateur est fondé à tenir compte des effets que les activités exercées en France peuvent porter à l’environnement à l’étranger. »

« Le Conseil constitutionnel juge que, par les dispositions contestées, le législateur a entendu faire obstacle à ce que des entreprises établies en France participent à la vente de tels produits partout dans le monde et donc, indirectement, aux atteintes qui peuvent en résulter pour la santé humaine et l’environnement », ajoute le communiqué.

Pour Me Arnaud Gossement, avocat spécialisé dans l’environnement, cette décision est d’autant plus importante que le Conseil constitutionnel « n’avait jamais été aussi explicite ». Pour lui, le vrai sujet n’est pas tant d’insister sur la valeur constitutionnelle de la Charte de l’environnement que le fait que les Sages ont insisté sur la « conciliation nécessaire » entre liberté d’entreprendre et sauvegarde de l’environnement mais en ne mettant pas les deux « sur le même plan ».

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