Algues vertes en Bretagne : l’Etat condamné à indemniser une victime

La justice fait le lien entre les algues vertes et le décès d’un joggeur et condamne L’État

La cour administrative d’appel de Nantes a condamné mardi l’Etat à indemniser les proches d’un joggeur décédé en 2016 dans une vasière envahie d’algues vertes à l’embouchure du Gouessant (Côtes-d’Armor), une première selon l’avocat de ses proches.

La cour « retient la responsabilité pour faute de l’Etat, en raison de ses carences dans la mise en oeuvre de la réglementation européenne et nationale destinée à protéger les eaux de toute pollution d’origine agricole », explique-t-elle dans un communiqué.

« La pollution par les nitrates présents dans les engrais et dans les déjections animales issues de l’élevage constitue en effet la cause principale de la prolifération des algues vertes en Bretagne », poursuit la cour.

L’Etat devra verser à l’épouse du joggeur la somme de 277.343 euros, assortie d’intérêts, aux trois enfants de la victime 15.000 euros chacun et 9.000 euros à son frère.

Âgé de 50 ans et adepte du trail, Jean-René Auffray avait été retrouvé mort à Hillion le 8 septembre 2016, dans la vase de l’estuaire du Gouessant, qui se jette dans la baie de Saint-Brieuc et où il s’était vraisemblablement aventuré pour secourir son chien.

En apprenant le lieu du décès, fréquemment sujet aux marées vertes, des associations s’étaient immédiatement interrogées sur le lien avec les algues vertes qui, en se décomposant, émettent du sulfure d’hydrogène (H2S), un gaz potentiellement mortel à forte dose.

La famille de la victime avait saisi la justice administrative en juillet 2019 pour demander réparation auprès de la commune d’Hillion, de l’agglomération de Saint-Brieuc et de l’Etat, réclamant près de 600.000 euros d’indemnisation des préjudices subis.

– « Première » –

En novembre 2022, le tribunal administratif de Rennes avait rejeté en bloc les demandes d’indemnisation de la famille. « M. Auffray est décédé d’une insuffisance respiratoire brutale qui aurait pu être due à une exposition aux algues vertes ou à un arrêt cardiaque », avait alors déclaré le rapporteur public.

Ses proches avaient fait appel du jugement « en demandant uniquement la condamnation de l’Etat à les indemniser », rappelle la cour dans son communiqué.

La cour administrative d’appel de Nantes, « en se fondant notamment sur plusieurs pièces qui n’avaient pas été présentées au tribunal administratif de Rennes », a estimé que le décès de la victime, qui est survenu instantanément et a été causé par un oedème pulmonaire massif et fulgurant, ne pouvait s’expliquer autrement que par une intoxication mortelle par inhalation d’hydrogène sulfuré à des taux de concentration très élevés« .

« Pour la première fois, une juridiction française retient le lien entre le décès d’une personne et la faute de l’Etat dans ces affaires d’algues vertes » souligne Me François Lafforgue, avocat de la famille.
« L’Etat doit plus que jamais agir efficacement ».

« Nous sommes très contents et très émus » ,  « on est aussi surpris », a réagi la femme de la victime, Roswitha Hertel-Auffray, auprès de l’AFP.
« C’est une victoire collective de ceux qui ont combattu avec nous » , a poursuivi Mme Hertel-Auffray, citant des associations ou encore les journalistes d’investigation Morgan Large et Inès Léraud.

« On espère que ça va faire bouger un peu les lignes maintenant »  dans la lutte contre les algues vertes, a-t-elle ajouté.

Le préjudice subi par les proches du défunt sera partiellement indemnisé, la cour estimant que le quinquagénaire avait pris un risque en allant courir dans cet estuaire.  « L’Etat est responsable à hauteur de 60% seulement des conséquences dommageables du décès » , indique la cour.

Depuis 1971, des tonnes d’algues vertes s’échouent chaque année sur les plages bretonnes.

Selon un rapport de la Cour des comptes de 2021, cette prolifération d’algues vertes est  »à plus de 90% d’origine agricole » dans cette région où le recours aux engrais azotés a fortement progressé à partir des années 1960, et qui compte aujourd’hui 140.000 emplois dans l’agroalimentaire.

Alors que la France a multiplié les programmes d’action régionaux depuis 2010 sans parvenir à régler le problème, le tribunal administratif de Rennes a enjoint en mars au préfet de renforcer son action contre les pollutions aux nitrates.

Agence France-Presse

Marées vertes en Bretagne

 

CONDAMNATION remarquable de deux des plus gros élevages de porcs bretons (pays de Landerneau) par le tribunal de Brest

8 934 infractions avaient été constatées au lendemain de la plainte de L214

Ce vendredi 1er mars, le tribunal judiciaire de Brest a rendu sa décision concernant deux élevages XXL de cochons du Finistère, exploités par le même gérant, dont L214 avait diffusé des images en novembre 2019.

Mauvais traitements sur les animaux

Le premier élevage est condamné pour le délit de mauvais traitements commis sur les animaux ainsi que pour d’autres infractions, à 64 500 € d’amende (dont 20 000 € avec sursis).
Le second est condamné dans des proportions similaires (60 000 € d’amende dont 20 000 € avec sursis) pour les mêmes infractions.

Interdiction de détenir des animaux pendant 1 an

Le tribunal a également, fait rare, prononcé la peine complémentaire d’interdiction de détenir des animaux pendant le délai d’un an, soulignant ainsi l’importance des manquements et des graves non conformités au préjudice des animaux.
Les deux exploitations devront en outre verser 6 000 € d’indemnités à l’association L214.

4 ans de procédure

Les deux sites, affiliés au groupe Eureden (ex-Triskalia) sont situés au sud de Brest. Ils peuvent abriter plus de 18.000 animaux simultanément et emploient une vingtaine de salariés.

Brigitte Gothière, cofondatrice et directrice de L214 a tout de suite réagit : « Nous nous réjouissons de voir que le nombre des infractions commises, près de 9 000, leur gravité et surtout leur persistance, ont été prises au sérieux par le tribunal correctionnel de Brest. Nous constatons d’ailleurs que nos plaintes, qui ont aujourd’hui la réputation dans le monde judiciaire d’être le fruit d’enquêtes rigoureuses et bien documentées, aboutissent de plus en plus à faire condamner ceux qui ne respectent pas la réglementation applicable aux animaux ».

‘Plus de 4 ans se sont passés entre le dépôt de la plainte et la décision du tribunal. Pendant ce temps, la DDPP a effectué pas moins de 4 inspections sans que cela permette de régulariser la situation.
Pourquoi ? Les deux élevages concernés détiennent 18.000 animaux élevés selon un modèle d’agriculture intensive qui ne respecte déjà pas leurs besoins éthologiques et leur provoque ainsi de grandes souffrances. Imaginez l’enfer qu’ils ont dû vivre ! Cette situation est inacceptable et pourtant, c’est un schéma qui se répète encore et encore. »

L’une des deux sociétés (SARL Kerdoncuff) est également condamnée à 4.500 euros d’amende pour des contraventions liées à l’inexécution de mises en demeure.

Source : L214

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CONSULTATION PUBLIQUE

en cours jusqu’au 17 mars

Agrandissement des élevages industriels :
refusons un décret rétrograde !

Profitant du malaise paysan pour donner des gages aux acteurs de l’agro-industrie, le gouvernement a préparé un décret destiné à faciliter l’agrandissement des élevages industriels (porcs, volailles) en relevant les seuils d’évaluation environnementale préalable. Vous avez jusqu’au 17 mars pour faire connaitre votre opposition à ce texte.

Les élevages hors-sol de grande taille sont soumis à la règlementation sur les projets industriels, qui articule plusieurs niveaux d’évaluation environnementale préalable. Pour les plus grands élevages, ayant le plus d’impacts écologiques et sanitaires, cette évaluation préalable est systématique. Pour les autres, elle se réalise au cas par cas (article R122-2 du code de l’environnement). Le gouvernement prévoit de faire basculer une partie des plus gros élevages de la première vers la deuxième catégorie, c’est-à-dire de les exonérer d’évaluation systématique. Une évaluation ponctuelle pourra être exigée par l’Autorité environnementale, mais cette procédure deviendra d’autant plus aléatoire que cette institution manque de moyens pour assurer un suivi suffisant.

 Si le décret est validé en l’état, les seuils d’évaluation systématique passeront : 

  • de 40.000 à 85.000 volailles (plus du double !),
  • de 2.000 à 3.000 porcs en engraissement,
  • de 750 à 900 truies.

Sous prétexte de « simplification », ce décret vise en réalité à faciliter la fuite en avant vers le gigantisme, au détriment à la fois de l’environnement et de la sécurité des éleveurs. Faute d’une évaluation solide au préalable, des éleveurs dont les exploitations provoqueront une pollution industrielle pourront toujours être poursuivis et sanctionnés, mais ce sera trop tard pour les écosystèmes. Il est préférable aussi bien pour les éleveurs que pour les écosystèmes que les risques soient sérieusement évalués en amont, plutôt que niés dans une perspective électoraliste ou économique à courte vue. 

Vous pouvez contester ce décret

en participant à la consultation publique qui est ouverte jusqu’au 17 mars 2024.