Pesticides : les Sages sanctionnent une concertation locale biaisée
Communiqué de presse – version pdf
C’est une victoire pour la santé des riverains et la préservation de la biodiversité. Les « chartes d’engagement », qui visent à réduire les distances de sécurité entre les habitations et les épandages de pesticides, sont dans le viseur des associations depuis plusieurs années. Dans le cadre de la procédure juridique co-portée par 8 associations et syndicats, le Conseil Constitutionnel vient aujourd’hui de rendre sa décision : le système des chartes et la pseudo concertation mise en place par le gouvernement pour l’élaboration de ces chartes, ne sont pas conformes à la Constitution. Les juges administratifs et le législateur vont devoir en tirer les conséquences immédiatement.
Quel est le problème avec les chartes ?
Depuis leur introduction dans la loi EGALIM en 2018, la question des chartes permettant de déroger au socle de protection national des voisins des parcelles agricoles vis-à-vis des pesticides pose question. Sur le fond d’abord : pourquoi les distances d’épandages seraient différentes d’un endroit à l’autre alors que les dangers sanitaires des pesticides sont les mêmes ? Pour nos organisations, cette disparité sur le territoire national dans ce cadre précis ne peut pas se justifier. La priorité doit être la protection de la santé publique.
Sur la forme, la formule de concertation qui devait être initiée par les utilisateurs eux-mêmes a démontré ses limites et donc son inconstitutionnalité : restriction de la concertation aux seuls représentants des riverains, absence d’informations officielles, concertations uniquement en ligne, observations des participants non prises en compte…
Comme le soulignent les sages, cette législation « pesticides » actuellement en place ne permet pas d’avoir une vraie concertation sur un sujet pourtant primordial, ni de protéger efficacement la santé des populations, et notamment des riverains. Résultat, sur le terrain : le dialogue ne s’est pas fait réellement et les récits de concertations “biaisées” ont été légion aux quatre coins de la France1… A noter que des chartes d’engagement auraient été instaurées à ce jour dans 80 départements selon le gouvernement sans qu’une liste précise ne soit disponible à ce jour.
Pourquoi cette décision du Conseil Constitutionnel et en quoi est-ce une bonne nouvelle ?
Pour les associations mobilisées, le décret encadrant les concertations pour l’élaboration des « chartes d’engagement » est illégal notamment car il a été pris sur la base d’un texte législatif inconstitutionnel. En effet, ce texte législatif2 ne respecte pas l’article 7 de la charte de l’environnement, qui prévoit qu’une participation du public doit être prévue et encadrée pour toutes les décisions publiques ayant une incidence significative sur l’environnement.
Le Conseil Constitutionnel reconnaît dans sa décision du 19 mars que les chartes, qui régissent les conditions d’utilisations à proximité des habitations des produits phytopharmaceutiques, ont une incidence directe et significative à la fois sur la biodiversité et sur la santé publique. Par sa décision, le Conseil Constitutionnel a donc donné raison aux organisations. Cette décision impose désormais aux juges administratifs et au parlement d’en tirer les conséquences immédiatement.
« La santé des riverains et la biodiversité autour des champs méritent mieux qu’une fausse concertation et une protection au rabais : cette décision est un soulagement. Seules des dispositions nationales cohérentes et réellement protectrices sont acceptables. Ceci ne doit pas nous empêcher d’appuyer les initiatives locales de dialogue qui ne rogneraient pas sur les mesures nationales de protection. Nos associations sont toujours prêtes à échanger, partager, construire mais il est urgent de prendre des décisions courageuses », réagissent les organisations signataires de ce communiqué.
Le combat ne s’arrête pas là pour nos organisations, qui ont pour mémoire déposer des recours devant le conseil d’état contre les textes règlementaires nationaux qui encadrent l’utilisation des pesticides en France. La prochaine étape juridique est maintenant d’obtenir de meilleures protections et informations des populations vivant à proximité des parcelles agricoles traitées, ainsi qu’une réelle protection des milieux et en particulier de la ressource en eau et des salariés agricoles.
Pour aller plus loin
FNE Pays de la Loire | Charte pesticides : pourquoi nos associations refusent de la signer
FNE Normandie | Lettre au préfet “A propos des chartes, des riverains et des pesticides”
FNE Vaucluse | “Charte de bon voisinage” : l’introuvable consensus
FNE Languedoc Roussillon | Concertation publique relative à la charte départementale de l’Hérault
[Dossier de fond] Droit de vivre #LoinDesPesticides : petite histoire d’un trop long combat
Le collectif d’ONG impliquées dans les recours contre le décret et l’arrêté du 27 décembre 2019, et la Question Prioritaire de Constitutionnalité déposée
Alerte des médecins sur les pesticides | Pierre-Michel Périnaud, Président et porte-parole : 06 31 23 66 72
Collectif des victimes des pesticides de l’ouest | Michel Besnard, Président : 06 73 19 56 07
Collectif des victimes des pesticides des Hauts de France | Edmond Leduc, coordonnateur : 06 80 72 63 37
Eau et Rivières de Bretagne | Dominique Le Goux, chargée de mission pesticides et santé : 06 88 01 19 25
France Nature Environnement | Raymond Léost, pilote du réseau Juridique : 06 88 76 24 22
France Nature Environnement |Thibault Leroux, chargé de mission Agriculture & Santé-Environnement : 07 82 27 89 33
Générations Futures | Nadine Lauverjat, déléguée générale et chargée de mission victimes des pesticides | 06 87 56 27 54
Solidaires | Didier Aubé, Secrétaire national : 06 78 75 43 62
UFC-Que Choisir | Marie-Christine Brument, Responsable relations presse 06 16 56 68 07
Vigilance OGM Charentes
1 Plusieurs exemples à découvrir en fin de communiqué de presse
2 Le III de l’article L.253-8 du code rural et de la pêche maritime