Tribune des restaurateurs contre la loi duplomb

Loi Duplomb : « Nous, restaurateurs, faisons ce métier pour nourrir, pas pour empoisonner »

Plus de 400 chefs cuisiniers et acteurs de la restauration, dont Chloé Charles, Mauro Colagreco et Olivier Roellinger, appellent, dans une tribune au « Monde », au retrait de cette loi controversée, à l’instauration d’un moratoire sur l’usage des pesticides et à une transformation profonde du système alimentaire français.

https://www.lemonde.fr/idees/article/2025/07/24/loi-duplomb-nous-restaurateurs-faisons-ce-metier-pour-nourrir-pas-pour-empoisonner_6623329_3232.html

https://www.francebleu.fr/infos/environnement/nourrir-pas-empoisonner-400-chefs-et-acteurs-de-la-restauration-signent-une-tribune-contre-la-loi-duplomb-6490311

Parmi les signataires, des chefs étoilés comme Mauro Colagreco, Olivier Roellinger, mais aussi des responsables de cantines, des propriétaires de bistrots ou des collectifs de restaurateurs-paysans. « Nous faisons ce métier pour nourrir, pas pour empoisonner« , écrivent-ils. « Nous avons bien conscience des difficultés que rencontrent les producteurs français au quotidien« , nuance le texte, qui reconnaît des agriculteurs « tiraillés par la rentabilité de leur métier et les demandes citoyennes croissantes à sortir du productivisme« .

« À un moment, il faut taper du poing sur la table », estime Glenn Viel

Un sursaut encore timide mais rare, dans un milieu qui met en avant la qualité des produits et les circuits courts mais peu prompt à se mobiliser, comme lors de la crise des agriculteurs, en 2024. Les chefs « sont des personnes qui ne prennent pas souvent la parole mais l’alimentation, c’est leur quotidien« , explique Fanny Giansetto, fondatrice d’Ecotable.

Parmi eux, Glen Viel, 45 ans, chef trois étoiles et jury de l’émission « Top Chef« . « Je ne comprends pas (cette loi)« , affirme-t-il à l’AFP, dénonçant « les pesticides qui polluent notre terre » alors que « l’alimentation a une grande part (de responsabilité) dans les cancers« . « On a la capacité de mettre des milliards dans la défense de notre pays. Et c’est normal« , poursuit-il. « Est-ce qu’on ne pourrait pas trouver un milliard ou deux pour nos agriculteurs, pour les aider à faire cette transition (écologique) ? » « Nous les restaurateurs, on est plutôt des besogneux, on ferme notre gueule et on avance. Mais à un moment, il faut taper du poing sur la table », estime Glenn Viel.

Pour Marie-Victorine Manoa, jeune cheffe trentenaire, autrice et chroniqueuse dans l’émission « Très très bon! », cette loi a été un « coup de massue« . « Cuisiner des produits médicamentés et stériles n’excite personne« , grince celle qui appelle à la « rébellion générale« . La loi Duplomb prévoit notamment la réintroduction à titre dérogatoire de l’acétamipride, pesticide de la famille des néonicotinoïdes – interdit en France mais autorisé en Europe.

Le coup de gueule de Jacques Marcon

La prise de parole de Jacques Marcon a été le point de départ de cette mobilisation. Début juillet, le chef trois étoiles a publié sur Instagram une photo d’un pré d’herbes sauvages du Mont Mézenc (Haute-Loire), accompagnée d’un texte cinglant, adressé au sénateur Laurent Duplomb, rapporteur de la loi éponyme. « Avec cette loi, vous vous êtes érigé en porte-parole de l’industrie agroalimentaire qui privilégie une agriculture intensive et néfaste pour les générations futures« , a écrit le chef. Un texte largement partagé, notamment par des restaurateurs, sur les réseaux sociaux.

Nous, restaurateurs, avons choisi le métier de restaurateur par amour pour la gastronomie, par passion pour les produits, mais surtout parce que nous voulons nourrir, « restaurer » nos clients. Si nous prenons la parole aujourd’hui, c’est que nous sommes estomaqués par l’aveuglement de nos politiques et par les liens, devenus trop évidents, de ces derniers avec l’agro-industrie. En tant qu’artisans, nous avons à cœur de valoriser un travail manuel, ancré dans notre territoire et notre environnement. Et cet environnement, nous le voyons se dégrader.

Aujourd’hui, nous sommes inquiets. Inquiets de l’avenir de notre alimentation qui subit de plein fouet la crise climatique et la perte de la biodiversité. Inquiets de la hausse effrayante des cancers. Inquiets de la qualité des produits que nous servons, qui ne semble que se détériorer, ces derniers contenant toujours plus de résidus de pesticides. Même l’eau que nous apportons à table, qu’elle soit minérale ou du robinet, est touchée par ce problème. Nous faisons ce métier pour nourrir, pas pour empoisonner.

En tant que partenaires directs, nous avons bien conscience des difficultés que rencontrent les producteurs français au quotidien. Beaucoup sont enfermés dans un système à bout de souffle, qui leur demande de produire toujours plus et à bas prix. Ils sont tiraillés entre la nécessité de rentabilité et les demandes citoyennes croissantes à sortir du productivisme.

Une insulte à tous

Mais la loi Duplomb, adoptée le 8 juillet par le Parlement, ne vient résoudre aucune de ces problématiques. Au contraire, elle ferme les yeux sur les vraies difficultés, à savoir la rémunération des producteurs, le libre-échange et la mise en concurrence des denrées alimentaires. Elle les enferme dans un système intrinsèquement délétère en continuant de promouvoir des modes de production inaptes à répondre aux enjeux vitaux de notre temps.

Près de 70 % des terres sont aujourd’hui dégradées en Europe [selon un rapport de l’Organisation des Nations unies pour l’alimentation et l’agriculture en date de 2021]. Notre système alimentaire coûte 19 milliards par an à la France en externalités négatives [selon l’étude collective « L’injuste prix de notre alimentation » publiée en 2024]. La loi dite « Duplomb » est une insulte aux scientifiques, une insulte aux agriculteurs qui se passent des pesticides tous les jours, une

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